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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 19:22

Loi travail ; comprendre, s'insurger

et ne pas se tromper de cible.

Un peu d'histoire

En 1906, à Courrières dans le Pas de Calais, un coup de grisou emprisonne des centaines de mineurs au fond d'une mine de charbon. Profitant de l'état de subordination dans lequel leur contrat de travail place les salariés et estimant que les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise l'exigeaient, le patron ordonne dès le 3ème jour et contre la volonté des gueules noires, l’arrêt des opérations de sauvetage et la reprise du travail.

Malgré l'abandon prématuré des recherches,  13 miraculés sortiront vingt jours plus tard du puits par leurs propres moyens ; combien d'autres auraient-ils pu être secourus ? On relèvera 1099 victimes.

Sous le choc de cette catastrophe, et surtout sous la pression de 60 000 grévistes, c'est d'abord en regroupant les textes existants que la codification du droit du travail sera entreprise pour aboutir en 1910 à la création du sixième code de nos institutions, afin que les droits humains ne soient plus subordonnés aux seules exigences du marché, de la rentabilité, de la compétitivité, du profit. La limitation de la durée du travail des femmes et des enfants, l'instauration du repos dominical figurent parmi les premières mesures... Progressivement, ce code s'est étoffé mais il faudra plus d'un siècle de luttes pour y inclure la journée de 8 heures, les congés payés, le droit de grève, la semaine de 35 heures...

 

Un siècle plus tard

 En 2016, après des années d'attaques insidieuses, à commencer par la remise en cause du repos dominical, le gouvernement a décidé avec la loi travail, de balayer ces 110 ans de progrès des lois de la République, acquis au prix du sang, des larmes grâce aux luttes de générations de travailleurs.

 

Le point sur le projet début juin

« des limitations peuvent être apportées aux libertés et droits fondamentaux de la personne si elles sont justifiées par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise ». c'est ce qu'on peut lire dès le premier article du préambule de la loi travail ; on sait à quoi s'en tenir. ...retour à la mine au XIXème siècle.

Une multitude de lignes absconses, de suppressions pernicieuses presque indétectables témoignent déjà par la forme, de la perfidie des auteurs du nouveau texte et sur le fond, des régressions auxquelles ils exposent les salariés. Exemple : La « durée légale » du temps de travail reste fixée à 35 heures Art L3121-31. Cette durée légale qui ne constitue pas un plafond détermine le seuil de déclenchement des heures supplémentaires dont la majoration actuelle est reprise par les dispositions supplétives de l'Art L3121-35 : 25% pour les 8 premières heures, et 50% ensuite. Apparemment rien ne change mais quelques lignes plus loin, on découvre que ce qui précède peut être contourné. Les articles L3121-19 et L3121-20 qui plafonnent la durée maxi hebdomadaire entre 48 et 60 heures laissent aux accords locaux le soin d'en préciser à la fois les limites et avec l'Art L3121-32, la compensation qui pourra être ramenée à 10% en cas de dépassement... ça laisse de la place à la négociation collective une entourloupe pareille !

 

« donner plus de poids à la négociation collective » Nous-y sommes, le désormais fameux article 2 ou le titre du projet de loi lui-même ne font pas mystère que c'est bien là, LE point essentiel de la loi El Khomri ; celui qui constitue la rupture majeure avec les principes de base du code du travail celui qui renverse la hiérarchie des normes. Explication : Le lien juridique qu'établit un contrat de travail entre un salarié et son employeur est juridiquement un lien de subordination, c'est à dire de soumission, de dépendance. Le code du travail pose des limites à la soumission et à la dépendance du subordonné. Afin de garantir l'efficacité de ce code, le législateur a voulu que la Loi, celle qui protège les travailleurs comme n'importe quelle autre loi, prévale sur tous les autres accords qu'ils soient de branche ou d'entreprise et que les accords de branche prévalent sur les accords d'entreprise ; c'est ce qu'on appelle la hiérarchie des normes, une disposition locale ne peut déroger aux règles supérieures que si elle est plus favorable aux salariés ; c'est le principe de faveur.

Pour ne pas s'écarter du véritable objectif qui consiste à désactiver, à rendre inopérante toute la protection établie (renversement de la hiérarchie des normes et suppression du principe de faveur), c'est avec cynisme et grâce à la duplicité des médias complaisants (neuf milliardaires ou fonds d'investissements possèdent la quasi totalité de la presse), que le débat est porté sur quelques articles « chiffon rouge » au sujet desquels on feint de négocier afin de détourner l'attention des citoyens du véritable but à atteindre : sous couvert de négociation, fut-elle collective, il s'agit d'individualiser le contrat de travail, de faire en sorte que chaque contrat soit particulier, négociable entreprise par entreprise.

 

Le transfert des protections, du champ de la loi au champ de la négociation collective, s'accompagne d'une éviction programmée des syndicats majoritaires par l'introduction du référendum dans l'entreprise. Aujourd'hui, un accord est valable s'il est signé par des syndicats pesant au moins 30%, mais des organisations syndicales représentant plus de 50% peuvent faire jouer leur droit d'opposition. Avec le nouveau système, des syndicats à 30% pourront court-circuiter les autres représentants du personnel, en organisant un référendum pour faire valider un accord directement par les salariés, malgré l'opposition des syndicats majoritaires. Il est évidemment plus facile de tromper des salariés profanes, que des délégués syndicaux formés et rompus à la traque des fourberies que recèlent immanquablement les textes rédigés par et au bénéfice exclusif des puissants.

 

Mais aussi dépouillé soit-il, l'existence même d'un code du travail reste un gravier dans la chaussure du grand patronat. Encouragés par la passivité du peuple qui assiste à son propre dépeçage sans trop broncher, les affidés du MEDEF se sont enhardis. Dans la 4ème version du projet de loi, juste avant son adoption forcée au 49.3 en mai, a été introduit un article visant, ni plus ni moins, à légaliser l'ubérisation des travailleurs. C'est l'article 27bis qui les définit ainsi : « travailleurs utilisant une plate-forme de mise en relation par voie électronique » et il est précisé que l’art. L.7411-1 du code du travail ne leur est pas applicable (c’est l’article qui dit que le code du travail est applicable). Pour les chauffeurs de VTC Uber, et peut-être bientôt pour beaucoup d'autres, pas d'horaires légaux ou maximaux, ni salaire minimum, ni droit du travail, ni cotisation sociale, ni médecine du travail, ni représentant du personnel... Avec ce changement de statut, le contrat de travail est remplacé par un contrat commercial, fini le temps des salariés, voici venir le temps des travailleurs dits indépendants, c'est à dire les moins protégés, les plus précaires, les plus soumis au chacun pour soi et à la concurrence de tous contre tous.

 

Comme elle en a pris l'habitude, c'est par un quatrième viol du pouvoir législatif en un an, que l'engeance au pouvoir a fait enregistrer la loi travail. Malgré le recours au 49.3, et malgré les réticences à voter la loi qu'ils avaient exprimées, les députés socialistes dans leur écrasante majorité, n'ont pas jugé qu'il vaille de s'opposer à ce texte antisocial et ont refusé au mois de mai de censurer le gouvernement. Ce n'est pas la première fois que des parlementaires socialistes trahissent les idéaux pour la défense desquels ils se sont fait élire ; comme en témoignait Vincent Auriol à l'issue du vote des pleins pouvoirs à Pétain en 1939, vote auquel seuls 36 parlementaires socialistes s'étaient opposés :

« Voici Léon Blum. Quelques rares et fidèles amis autour de lui. Où sont les 175 parlementaires socialistes ? Quelques-uns sans doute n'ont pu venir... mais les autres ? [...] Sur 150 députés et 17 sénateurs socialistes nous ne sommes que trente-six fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès ». Léon Blum dira « J'avais bien eu raison de me juger désormais comme un étranger, comme un suspect au sein de mon propre parti ».

Le 11 mai 2016, sur 285 députés du parti qui se prétend encore socialiste, il ne s'est plus trouvé que vingt-huit députés « fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès » pour s'opposer à cette nouvelle loi régressive que ce gouvernement dégoûtant et honni veut infliger aux salariés. Le soutien de 10 députés écologistes sur 17 et de 10 députés sur 10 du Front de Gauche n'aura permis d'obtenir que 56 signatures sur les 58 nécessaires pour proposer une motion de censure.

La direction du Parti Solférinien corrompue par le poison libéral menace maintenant de punir les socialistes qui défendent des principes socialistes. Les frondeurs, ces hommes et ces femmes fidèles aux valeurs de la gauche, peuvent, ainsi que Léon Blum, « se juger désormais comme des étrangers, comme des suspects au sein de leur propre parti », pourtant ils méritent le soutien de tous les travailleurs. Au contraire, la pression doit être mise sur les députés qui ayant cédé au chantage à l'investiture en première lecture, comprennent qu'ils sont grillés s'ils persistent dans leur erreur et pour les enjoindre à ne pas voter cette loi lorsqu'elle reviendra en deuxième lecture ou à voter la censure.

La mobilisation qui ne faiblit pas depuis trois mois exaspère le grand capital ; l'emploi par P. Gattaz le président du MEDEF, du mot "terroristes" au sujet des travailleurs opposés à la loi travail, est révélateur de cet énervement et n'honore pas la classe dirigeante car c'est ainsi que l'occupant et le gouvernement de collaboration qualifiaient les Résistants. Désormais, si la lutte ne réussit pas à faire reculer le gouvernement, cette coterie de 40 collaborateurs du capitalisme (voir à ce sujet, « le choix de la défaite » d'Annie Lacroix-Riz) qui bloque le pays aujourd'hui va durablement pourrir la vie de millions de travailleurs. Chaque salarié peut imaginer, chantage à l'emploi aidant, quelles conditions de travail, quelle protection, quel niveau de rémunération, quelles restrictions pourra imposer le MEDEF afin que les droits humains ne soient plus subordonnés, comme en 1906, qu'aux seules exigences du marché, de la rentabilité, de la compétitivité, du profit...

 

Les citoyens qui ont conscience de la gravité de cette régression qui n'a connu de précédent que sous le régime de Vichy et avec les mêmes appuis, sont debout, sur les places, dans la rue, fidèles à l'article 35 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 : lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits le plus indispensable des devoirs.

Les ʺ1%ʺ qui violent les droits du peuple ne sont pas prêts à se contenter de leurs privilèges actuels, bien au contraire, la ploutocratie est en pleine offensive, et elle est brutale ; crânes brisés ou yeux crevés... Qu'il s'agisse de manifestants qui dénoncent les provocations policières ou de policiers qui dénoncent par la voix de trois de leurs syndicats les techniques (gazage, bastonnades, kettling...) volontairement agressives que le pouvoir n'a aucun scrupule à employer, au cours des mobilisations pour défendre les acquis de plus d'un siècle de luttes sociales, c'est toujours du côté des 99%, qu'on déplore les victimes, il ne faut pas se tromper de cible. 

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10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 20:18

Les misérables – Victor Hugo - Extrait:

En 93, selon que l’idée qui flottait était bonne ou mauvaise, selon que c’était le jour du fanatisme ou de l’enthousiasme, il partait du faubourg Saint-Antoine tantôt des légions sauvages, tantôt des bandes héroïques. Sauvages. Expliquons-nous sur ce mot. Ces hommes hérissés qui, dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse-tête levé, la pique haute, se ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l’homme, l’instruction pour l’enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l’égalité, la fraternité, le pain pour tous, l’idée pour tous, l’édénisation du monde, le progrès ; et cette chose sainte, bonne et douce, le progrès, poussés à bout, hors d’eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche. C’étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation. Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l’épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit. En regard de ces hommes, farouches, nous en convenons, et effrayants, mais farouches et effrayants pour le bien, il y a d’autres hommes, souriants, brodés, dorés, enrubannés, constellés, en bas de soie, en plumes blanches, en gants jaunes, en souliers vernis, qui, accoudés à une table de velours au coin d’une cheminée de marbre, insistent doucement pour le maintien et la conservation du passé, du Moyen-Âge, du droit divin, du fanatisme, de l’ignorance, de l’esclavage, de la peine de mort, de la guerre, glorifiant à demi-voix et avec politesse le sabre, le bûcher et l’échafaud. Quant à nous, si nous étions forcé à l’option entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions les barbares.

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10 mai 2015 7 10 /05 /mai /2015 14:09

 

A l'occasion de la commémoration du 70èmeanniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, la mémoire des soixante millions de victimes de ce conflit a été honorée et dans son message, M. Todeschini, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense chargé des anciens combattants n'a pas oublié “toutes ces femmes et tous ces hommes auxquels nous devons d'être libres, tous ceux qui, aux heures les plus sombres de notre histoire, ont choisi, au péril de leur vie d'embrasser la Résistance”.  

 

Pour mesurer la portée de ce passage, il est important de rappeler le rôle capital de la Résistance non pas seulement pour son efficacité militaire et sa contribution précieuse pour chasser l'occupant, non pas seulement pour l'élaboration du programme politique du Conseil National de la Résistance intitulé “Les jours heureux”, et sa mise en œuvre dès 1945 (EDF, SNCF, Sécurité Sociale...), mais plus particulièrement pour son rôle déterminant qui a permis de soustraire la France libre à certaines convoitises alliées et à la rétablir sur la scène internationale des pays souverains ; c'est ce point qui est développé en deuxième partie dans un texte d'Annie Lacroix-Riz (Professeur d’histoire contemporaine, université Paris-VII), Quand les américains voulaient gouverner la France” ...

 

De la déclaration de guerre à la capitulation

 

Le 1erseptembre 1939, sans déclaration de guerre préalable, 52 divisions de la Wehrmacht franchissent la frontière polonaise. Suite à cette agression, et après avoir demandé en vain à l'envahisseur de retirer ses troupes de Pologne, les gouvernements français et britannique déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre. Durant 8 mois, pratiquement rien ne se passe à nos frontières. La France se sent bien à l’abri derrière la ligne Maginot, c'est la « Drôle de Guerre ».

 

Le 10 mai 1940, les Allemands passent à l’offensive à l’Ouest. Ils attaquent simultanément trois pays neutres, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg.

 

Dès le 13 mai, les divisions de Panzers du général Guderian, traversent la forêt des Ardennes et franchissent la frontière française à Sedan.

 

Le 5 juin l'armée allemande passe la Somme et le 9, elle atteint la Seine.

 

Le 10 juin, Paris est déclarée «ville ouverte» par le gouvernement français, ce qui signifie que la capitale ne sera pas défendue. Le gouvernement se replie sur Tours puis Bordeaux tandis que les Italiens déclarent la guerre à la France.

 

En un mois, la débâcle est complète. Les combats ont fait plus de120 000 morts civils et militaires. Sur les routes, l'armée en déroute côtoie huit millions de civils fuyant l'avancée éclair de la Wehrmacht qui a déjà capturé près de deux millions de prisonniers.

 

Le 18 juin, l'appel lancé par De Gaulle depuis Londres, va marquer le point de départ du renversement de l'Histoire. Dans le désarroi général, rares étaient ceux qui pouvaient croire à pareille utopie, et probablement personne ne soupçonna alors que le 18 juin 1940 allait devenir LE 18 juin.

 

Le 22 juin 1940 un armistice entre la France et l’Allemagne est signé à Rethondes. La France est coupée en deux par une ligne de démarcation. Le 29 juin 1940, le gouvernement français quitte Bordeaux qui s’est retrouvée en zone occupée pour s’installer à Vichy, choisie comme capitale de la zone dite « libre ».

 

Le 10 juillet, la Chambre des députés et le Sénat y sont réunis en congrès. Ils sont appelés à se prononcer pour ou contre l'attribution des fonctions de chef de l’Etat Français ainsi que les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs au maréchal Philippe Pétain qui prône la collaboration. Sur les 649 présents, 569 parlementaires votent “pour” (à peu près autant de droite que de gauche). Selon la même proportion, seulement 80 votent contre, parmi lesquels on ne trouve qu'un seul élu Franc-comtois, Léonel de Moustier député du Doubs.

 

En relisant ce témoignage de Vincent Auriol, on constate qu'à cette époque, comme aujourd'hui, chez beaucoup d’élus socialistes prêts à toutes les compromissions pour conserver leur poste et leur rente, la fidélité aux idéaux ne pesait pas lourd; « Voici Léon Blum. Quelques rares et fidèles amis autour de lui. Où sont les 175 parlementaires socialistes ? Quelques-uns sans doute n'ont pu venir... mais les autres ? [...] Sur 150 députés et 17 sénateurs socialistes nous ne sommes que trente-six fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès. »

 

Les Etats-unis accueillirent avec une certaine satisfaction l'avènement de ce gouvernement autoritaire installé sans élections à la tête d'un pays vaincu, dont la faiblesse ferait plus facilement de la France un vassal.

 

L'unification progressive des Français résistants autour du Conseil National de la Résistance fédéré par Jean Moulin allait contrecarrer ce plan et permettre à de Gaulle de revendiquer le premier rang dans la lutte et le droit légitime de représenter la souveraineté nationale dans le territoire libéré.

 

Lisez la suite ci-dessous dans “Quand les américains voulaient gouverner la France”, un article édifiant paru en 2003 dans “Le Monde Diplomatique”. Ce n’est qu’après avoir vainement tenté, d’imposer le général Giraud que les américains se résoudront à admettre l'autorité de Charles de Gaulle et à reconnaître avec les alliés le Comité Français de Libération Nationale en 1943 puis le Gouvernement Provisoire de la République Française en 1944. Roosevelt savait que de Gaulle et la Résistance n'allaient pas remettre à leur place que les allemands... Jusqu'à son départ en 1969, de Gaulle défendra une Europe des Etats et s'opposera à la création d'une Europe supranationale intégrée conduite par les banques privées. C’est portant sur ce modèle dont Jean Monnet, agent de la CIA, fut l'un des principaux promoteurs que l’Europe se construit. Etape après étape, les successeurs du Général de Gaulle vont accepter d'abandonner toutes les prérogatives d'un état souverain (loi du 3 janvier 1973, acte unique de 1986, Maastricht en 1992, Euro en 2002, traité de Lisbonne en 2007, TAFTA en …) plongeant pieds et poings liés, un nombre croissant de citoyens dans le chômage et la précarité. Le message de M. TODESCHINI établit un lien entre 1945 et 2015, “Souvenons-nous enfin de ce que nous devons à cette jeunesse sacrifiée par la guerre et à cette génération de combattants et de résistants qui rendirent à la France sa liberté et sa fierté. (…) Leur engagement et leur sacrifice nous honorent et nous obligent.

 

 

 

Quand les Américains voulaient gouverner la France

 

par Annie Lacroix-Riz, dans Le Monde Diplomatique (mai 2003)

 

C’est une page peu connue de l’histoire de la seconde guerre mondiale : dès 1941-1942, Washington avait prévu d’imposer à la France - comme aux futurs vaincus, Italie, Allemagne et Japon - un statut de protectorat, régi par un Allied Military Government of Occupied Territories (Amgot). Ce gouvernement militaire américain des territoires occupés aurait aboli toute souveraineté, y compris le droit de battre monnaie, sur le modèle fourni par les accords Darlan-Clark de novembre 1942.

 

A en croire certains historiens américains, ce projet tenait à la haine qu’éprouvait Franklin D. Roosevelt pour Charles de Gaulle, « apprenti dictateur » qu’il eût voulu épargner à la France de l’après-Pétain. Cette thèse d’un président américain soucieux d’établir la démocratie universelle est séduisante, mais erronée (1).

 

Un « Vichy sans Vichy »

 

A l’époque, les Etats-Unis redoutaient surtout que la France, bien qu’affaiblie par la défaite de juin 1940, s’oppose à leurs vues sur deux points, du moins si de Gaulle, qui prétendait lui rendre sa souveraineté, la dirigeait. D’une part, ayant lutté après 1918-1919 contre la politique allemande de Washington, Paris userait de son éventuel pouvoir de nuisance pour l’entraver à nouveau. D’autre part, la France répugnerait à lâcher son empire, riche en matières premières et en bases stratégiques, alors que les Américains avaient dès 1899 exigé - pour leurs marchandises et leurs capitaux - le bénéfice de la « porte ouverte »dans tousles empires coloniaux (2).

 

C’est pourquoi les Etats-Unis pratiquèrent à la fois le veto contre de Gaulle, surtout lorsque son nom contribua à unifier la Résistance, et une certaine complaisance mêlée de rigueur envers Vichy. A l’instar des régimes latino-américains chers à Washington, ce régime honni aurait, à ses yeux, l’échine plus souple qu’un gouvernement à forte assise populaire.

 

Ainsi chemina un « Vichy sans Vichy » américain, qu’appuyèrent, dans ses formes successives, les élites françaises, accrochées à l’Etat qui leur avait rendu les privilèges entamés par l’« ancien régime » républicain et soucieuses de négocier sans dommage le passage de l’ère allemande à la pax americana.

 

Préparant depuis décembre 1940, bien avant leur entrée en guerre (décembre 1941), leur débarquement au Maroc et en Algérie avec Robert Murphy, représentant spécial du président Roosevelt en Afrique du Nord et futur premier conseiller du gouverneur militaire de la zone d’occupation américaine en Allemagne - bête noire des gaullistes -, les Etats-Unis tentèrent un regroupement autour d’un symbole de la défaite, le général Maxime Weygand, délégué général de Vichy pour l’Afrique jusqu’en novembre 1941.

 

L’affaire échouant, ils se tournèrent, juste avant leur débarquement du 8 novembre 1942, vers le général Henri Giraud. Vint ensuite le tour de l’amiral François Darlan, alors à Alger : ce héraut de la collaboration d’Etat à la tête du gouvernement de Vichy, de février 1941 à avril 1942, était resté auprès de Pétain après le retour au pouvoir de Pierre Laval (3).

 

Le 22 novembre 1942, le général américain Mark W. Clark fit signer à l’amiral « retourné » « un accord singulier »mettant« l’Afrique du Nord à la disposition des Américains » et faisant de la France « un pays vassal soumis à des « capitulations » ». Les Américains « s’arrogeaient des droits exorbitants » sur le « prolongementterritorial de la France » : déplacement des troupes françaises, contrôle et commandement des ports, aérodromes, fortifications, arsenaux, télécommunications, marine marchande ; liberté de réquisitions ; exemption fiscale ; droit d’exterritorialité ; « administration des zones militaires fixées par eux » ; certaines activités seraient confiées à des « commissions mixtes » (maintien de l’ordre, administration courante, économie et censure) (4).

 

Laval lui-même préparait son avenir américain tout en proclamant « souhaiter la victoire de l’Allemagne »(22 juin 1942) : secondé par son gendre, René de Chambrun, avocat d’affaires collaborationniste doté de la nationalité américaine et française, il se croyait promis par Washington à un rôle éminent au lendemain d’une « paix séparée » germano-anglo-américaine contre les Soviets (5). Mais soutenir Laval était aussi incompatible avec le rapport de forces hexagonal que ladite « paix » avec la contribution de l’Armée rouge à l’écrasement de la Wehrmacht.

 

Une « belle et bonne alliance »

 

Après l’assassinat, le 24 décembre 1942, de Darlan, auquel furent mêlés les gaullistes, Washington revint vers Giraud, fugace second de De Gaulle au Comité français de libération nationale (CFLN) fondé le 3 juin 1943. Au général vichyste s’étaient ralliés, surtout depuis Stalingrad, hauts fonctionnaires (tel Maurice Couve de Murville, directeur des finances extérieures et des changes de Vichy) et industriels (tel l’ancien cagoulard Lemaigre-Dubreuil, des huiles Lesieur et du Printemps, qui jouait depuis 1941 sur les tableaux allemand etaméricain) et banquiers collaborateurs (tel Alfred Pose, directeur général de la Banque nationale pour le commerce et l’industrie, féal de Darlan).

 

C’est cette option américaine qu’incarnait Pierre Pucheu en rejoignant alors Alger et Giraud : quel symbole du maintien de Vichy que ce ministre de la production industrielle, puis de l’intérieur de Darlan, délégué de la banque Worms et du Comité des Forges, ancien dirigeant et bailleur de fonds du Parti populaire français de Jacques Doriot, champion de la collaboration économique et de la répression anticommuniste au service de l’occupant (désignation des otages de Châteaubriant, création des sections spéciales, etc.).

 

Lâché par Giraud et emprisonné en mai 1943, il fut jugé, condamné à mort et exécuté à Alger en mars 1944. Pas seulement pour plaire aux communistes, que Pucheu avait martyrisés : de Gaulle lançait ainsi un avertissement aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne. Il sema l’effroi chez ceux qui attendaient que le sauvetage américain succédât au « rempart » allemand : « Le bourgeois français, ricanait un policier en février 1943, [a] toujours considéré le soldat américain ou britannique comme devant être à son service au cas d’une victoire bolchevique (6). »

 

Peignant de Gaulle à la fois en dictateur de droite et en pantin du Parti communiste français et de l’URSS, Washington dut pourtant renoncer à imposer le dollar dans les « territoires libérés » et (avec Londres) reconnaître, le 23 octobre 1944, son Gouvernement provisoire de la République française : deux ans et demi après la reconnaissance soviétique du « gouvernement de la vraie France », un an et demi après celle, immédiate, du CFLN, deux mois après la libération de Paris et peu avant que de Gaulle ne signât avec Moscou, le 10 décembre, pour contrebalancer l’hégémonie américaine, un « traité d’alliance et d’assistance mutuelle »qu’il qualifia de « belle et bonne alliance (7) ».

 

Ecartée de Yalta en février 1945, dépendante des Etats-Unis, la France s’intégra pleinement dans leur sphère d’influence. La vigueur de sa résistance intérieure et extérieure l’avait cependant soustraite à leur protectorat.

 

Annie Lacroix-Riz

 

Annie Lacroix-Riz. Professeur d’histoire contemporaine, université Paris-VII, auteure des essais Le Vatican, l’Europe et le Reich 1914-1944 et Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, Armand Colin, Paris, 1996 et 2006.
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(1) Costigliola Frank, France and the United States. The Cold Alliance since World War II, Twayne Publishers, New York, 1992.

 

(2) William A. Williams, The Tragedy of American Diplomacy, Dell Publishing, New York, 1972 (première édition, 1959).

 

(3) Robert O. Paxton, La France de Vichy, Seuil, Paris, 1974.

 

(4) Jean-Baptiste Duroselle, L’Abîme, 1939-1945, Imprimerie nationale, Paris, 1982, et Annie Lacroix-Riz, Industriels et banquiers français sous l’Occupation, Armand Colin, Paris, 1999.

 

(5) Leitmotiv depuis 1942 de Pierre Nicolle, Journal dactylographié, 1940-1944, PJ 39 (Haute Cour de justice), archives de la préfecture de police, plus net que l’imprimé tronqué, Cinquante mois d’armistice, André Bonne, Paris, 1947, 2 vol.

 

(6) Lettre n° 740 du commissaire de police au préfet de Melun, 13 février 1943, F7 14904, Archives nationales ; voir Richard Vinen, The politics of French business, 1936-1945, Cambridge University Press, Cambridge, 1991.

 

(7) Note du directeur adjoint des affaires politiques, Paris, 25 octobre 1944, et traité en huit articles Europe-URSS, 1944-1948, vol. 51, archives du ministère des affaires étrangères.

 

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 06:23

1er août 1914

Ordre de mobilisation générale

 

Le 1er août 1914, en milieu d'après-midi, le tocsin alerte les populations qui découvrent cette affiche : le président de la République, par décret, ordonne la mobilisation générale, que mettent en œuvre les ministres de la Guerre et de la Marine (l'armée de l'air n’existe pas encore). L’affiche, d’un type imprimé en 1904, est complétée de la date effective, puis placardée par la gendarmerie. Chaque réserviste sait, en consultant son livret individuel de mobilisation, le lieu et le jour auxquels il doit répondre à l'appel.

Ordre-de-mobilisation-generale-le-2-aout-1914.JPG

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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 18:30

1914-2014 Jaurès assassiné le 31 juillet 1914

 

 

Jean Jaurès refusait la guerre et militait pour que la classe ouvrière unie fasse barrage à cette barbarie par la grève générale dans tous les pays. Avant les 650 soldats français qui tomberont sous les balles françaises, il peut être considéré comme le premier exécuté pour l’exemple de 1914-1918. Le militarisme a dû passer sur son cadavre pour que l’Europe et le monde s’assassinent mutuellement. Malgré l'engagement électoral du président François Hollande, ces Fusillés pour l'exemple n'ont toujours pas été réhabilités par la République.

  

Jaurès assassiné

Raoul Villain, l’assassin de Jaurès a été dispensé de participer aux combats de 14/18 puis acquitté par la justice(*). Dans ce procès, c’est la veuve de Jaurès dont le fils avait été tué au front qui fut condamnée aux dépens.  

(*) Villain sera rattrapé par l’Histoire pendant la Guerre d’Espagne où les Républicains lui feront régler l’addition pour son crime.

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24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 22:10

1914-2014

Discours de Jean Jaurès

à Lyon Vaise le 25 juillet 1914

 

Le 25 Juillet 1914, Jean Jaurès est venu soutenir Marius Moutet qui sollicite les électeurs de Vaise pour un mandat de député. La montée des périls qui menacent l’Europe font oublier cette tâche au tribun et c’est devant une salle de Vaise pleine à craquer, qu’il va dire le mélange de tristesse, d’angoisse et d’espérance qui l’étreint à la veille de la guerre qui se profile, et qui, si elle éclate, il le sait, va écraser toute une jeunesse. Dans un souci pédagogique, Jean Jaurès expose à son auditoire les causes du conflit mondial qui s’annonce, et exhorte les peuples d’Europe à s’unir pour s’opposer à cette guerre. Cela va devenir un véritable texte de référence à contre-courant.

Cinq jours après, Jaurès était assassiné au café du Croissant, à Paris. Trois jours plus tard, la guerre était déclarée... et les socialistes faisaient (déjà !) tout le contraire des propos qu’avait prônés Jaurès.

 

« Citoyens,

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.


Ah ! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.


Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés.


Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France : « J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. » A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.


Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.


Voilà, hélas ! notre part de responsabilités. Et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.


Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche : « Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, a condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité. »


Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire : « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. » Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche : « Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine. » L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts.


Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche : « Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople. » M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : « C’est mon tour pour la mer Noire. » - « Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout ! », et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie. C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.


Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir par force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.


La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.


Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.


Vous avez vu la guerre des Balkans ; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.


Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé.


Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.


Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.


J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix. »


Jean Jaurès discours prononcé à Lyon-Vaise le 25 Juillet 1914

 

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 07:49

8 mai

 

Hermann Rauschning était un essayiste et un homme politique allemand, membre du Parti national-socialiste des travailleurs.

Président du Sénat de Dantzig, il démissionne en 1935, et doit fuir l'Allemagne. Exilé en Suisse, en France, puis aux États-Unis, il devient un opposant au régime nazi, et écrit plusieurs ouvrages parmi lesquels « Hitler m’a dit » (1939). Dans ce livre, il prétend relater les confidences qu'il aurait reçues de Hitler lors d'entretiens particuliers. Rien ne permet de confirmer l'authenticité des propos rapportés et là n’est pas la question car au travers ces supposées confidences, il cherche à avertir ses contemporains du caractère délibérément dangereux qui fondait le projet politique du régime. Malgré la perspicacité du discours, les menaces qui pesaient sur le monde se sont hélas concrétisées au cours des 6 années qui suivirent.

  

« Nous ferons croître une jeunesse devant laquelle le monde tremblera. Une jeunesse intrépide, cruelle. Elle saura supporter la douleur. Je ne veux en elle rien de faible ni de tendre. Je la ferai dresser à tous les exercices physiques. Je ne veux aucune éducation intellectuelle. Le savoir ne ferait que corrompre mes jeunesses. L’Allemagne ne sera véritablement l’Allemagne que lorsqu’elle sera l’Europe. Tant que nous ne dominerons pas l’Europe, nous ne ferons que végéter. »

d’après Hermann Rauschning, « Hitler m’a dit » (1939).

 

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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 22:48
Les jours heureux
les-jours-heureux-film-Gilles-Perret.jpgEntre mai 1943 et mars 1944, sur le territoire français encore occupé, seize hommes appartenant à tous les partis politiques, tous les syndicats et tous les mouvements de résistance, vont changer durablement le visage de la France. Ils vont rédiger le programme du Conseil National de la Résistance intitulé magnifiquement : « Les jours heureux ». Ce programme est encore au cœur du système social français puisqu’il a donné naissance à la sécurité sociale, aux retraites par répartition, aux comités d’entreprises. C’est cette histoire que nous raconte ce documentaire passionnant de  Gilles Perret (Mémoires d’ouvriers).

 

 

Les jours heureux

   De Gilles Perret

 

Le jeudi 5 décembre 2013

 

à 20h15

Au cinéma Colisée à Montbéliard

  

La projection sera suivie d'un débat avec Stéphane PERRIOT, monteur du film.

Organisation : Le Cinéma et Rien d’Autre, Les Amis du Monde Diplomatique Nord-Franche-Comté, les Amis de l’Emancipation Sociale et L’Atelier.  

 

 

 

 

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 18:45

Écoutez les bien, car nos paysans

 ont peut-être bientôt fini de chanter...

 

 

 

A peine les négociations sur la PAC 2014-2020 ont-elles rendu leurs arbitrages, que déjà l’Union Européenne ouvre ses portes à un nouveau marché de dupes, notamment pour le secteur agricole.

Cette année (en 2013), l’aval des États, et donc de la France, a été donné aux Parlementaires européens pour entamer des négociations avec les États-Unis afin de parvenir d’ici 2015 à un accord sur le commerce transatlantique et le partenariat d'investissement entre l'Union Européenne et les États-Unis d'Amérique. Un diplomate européen explique, «l’objectif des Américains, est surtout d’imposer leurs normes réglementaires, sanitaires… – les barrières dites “non tarifaires” – aux Européens ». Autrement dit, Washington compte bien voir le marché européen s’ouvrir à ses produits OGM, ses poulets chlorés ou encore sa viande bovine aux hormones… Dans ce vaste programme, la question des barrières tarifaires est globalement secondaire car hormis certains secteurs, notamment les produits agricoles pour lesquels les droits de douanes sont effectivement supérieurs dans l’Union européenne, les taxes douanières appliquées par les États Unis et l’Union européenne sont basses et se situent autour de 3% ; en règle générale les différences entre ces deux partenaires sont minimes (environ 1% d'écart). En réalité, ce projet, vise à contraindre les européens à renoncer à leurs normes sociales, sanitaires, environnementales, culturelles… C’est sur ce dernier point que les gouvernements semblent se focaliser, mais l’exception culturelle, aussi importante soit-elle, n’est que l’arbre qui cache une forêt appelée libre-échange dont l’agriculture ne sera pas la seule victime.

Les services publics (notamment, l’éducation, la santé et les services sociaux, l’approvisionnement en eau, les services postaux et les transports publics) déjà affaiblis sont particulièrement visés.

L’accès des citoyens à un Internet libre mais aussi à des médicaments bon marché est menacé par le renforcement des droits de propriété intellectuelle.

Un autre danger majeur est l’introduction d’un mécanisme juridique spécial d’arbitrage investisseur/État. Comme l’expliquent les responsables d’ATTAC, « Les investisseurs privés pourraient être dotés du droit d’attaquer directement des gouvernements souverains qui, au nom de l’intérêt général, auraient fait des choix de politiques publiques qu’elles estimeraient contraires à leurs droits de propriété et à la sécurité de leurs investissements, ou qu’elles considéreront comme des discriminations déloyales en faveur des économies locales. » Cette clause que les États Unis veulent introduire existe déjà dans plusieurs accords de libre-échange bilatéraux et a déjà produit ses effets. En vertu de l’Accord de Libre-Échange Nord-Américain (ALENA), la firme américaine Lone Pine Resources Inc. défie le moratoire sur la fracturation hydraulique émis par la province canadienne de Québec et poursuit le gouvernement canadien pour des compensations. De même, Philip Morris international a lancé une attaque massive contre la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac, en utilisant les règles et procédures de protection de l’investissement.

Cet accord s'il était adopté, affaiblirait toutes les normes européennes… jusqu’au droit du travail. Par conséquent, tous les pans de la société sont visés, car ouvrir totalement ce grand marché transatlantique pour concurrencer un pays qui ne respecte ni mesures de protection  environnementale (les USA n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto en 2001), ni protection sociale..., c’est continuer de s’inscrire dans l’Europe de l’impuissance, de l’austérité et de l’absence de solidarité. Ces perspectives ne peuvent pas nous laisser indifférents et les élections européennes de 2014 devraient donner aux citoyens l'occasion de se faire entendre.

Mêlons-nous de ce qui nous regarde !

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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 21:36

Tous au Palais-Royal à Paris le 20 octobre, 14 heures

 

CRAC art et culture conformes à la constitutionUn rassemblement citoyen réunira le 20 octobre, à partir de 14 heures, place du Palais-Royal, les Français en colère contre la scandaleuse réponse du Conseil constitutionnel, qui entérine l’impunité pénale dont bénéficie la corrida dans certaines localités du sud de la France. Face à cette infamie, les Français rappelleront qu’ils sont en grande majorité pour l’abolition de la corrida. Ils exigeront que la proposition de loi que va déposer, de façon imminente, Geneviève Gaillard, députée PS des Deux-Sèvres, soit débattue à l’Assemblée nationale, et que soit instauré parallèlement un référendum national. Ils demanderont également à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, de confirmer son engagement pour l’abolition et pour le retrait de la corrida du PCI, patrimoine culturel immatériel.

Des manifestations sont mises en place un peu partout dans le pays, mais ne nous leurrons pas ! Des petits ou moyens rassemblements dispersés n’auront pas grand impact, et surtout n’inquiéteront pas nos politiques. Le plus gros rassemblement doit se faire à Paris, là où le Conseil constitutionnel a pris cette décision scandaleuse. C’est donc bien là que nous devons tous nous retrouver, dans l’union. Plus nous y serons nombreux, plus nous aurons du pouvoir !

 

L’équipe du CRAC Europe

 

Pour réfléchir encore ici.
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