Table ronde: “Les transferts
des compétences eau et assainissement”
Matière à réflexion sur la démocratie et ses fondements; démocratie, la pire des dictatures ?
La table ronde intitulée “Les transferts des compétences eau et assainissement”, constituant la dernière animation et le point d'orgue de cette journée, témoigne du "grand intérêt" porté à ce sujet par nos élites et leurs serviteurs.
La scène
C'est la même pièce qui se joue à chaque nouvelle représentation de "La société du spectacle" annoncée dès 1967 par Guy Debord. La fusion étatico-économique s'affiche à la tribune qui est garnie de personnes du même avis ; de présidents, de vice-présidents, de directeurs, du secteur public ou privé, tous suffisamment gâtés pour ne pas (se) poser trop de questions, ils sont comme les filles de l'ogre du Petit Poucet; elles étaient si heureuses et choyées par leur papa ogre, la soupe était bonne, alors elles non-plus ne se posaient pas trop de questions... Sur l'estrade la sphère privée est représentée par, un fondé de pouvoir des marchands du Temple qui imposent partout ce qu'ils appellent des cabinets d'audit et de conseils, (cabinet McKinsey au niveau de l'état, cabinet KPMG à Héricourt CCPH, cabinet Mazars à Vesoul...) pour "aider" les élus "qui y croient" à convaincre ceux qui doutent.
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Tour à tour, chacun des orateurs, expose les avantages incommensurables et les réalisations prodigieuses dont bénéficient les usagers qui ont su se donner des élus entreprenants, progressistes, visionnaires; des prophètes en leur pays! Fiers d'avoir été les éclaireurs d'un mouvement dont ils constituent l'avant-garde, ils se montrent magnanimes envers les retardataires avec lesquels ils sont prêts à tout partager...
La surenchère...
A la suite de ce panégyrique, un micro faiblard est mis à la disposition du public subjugué. Parmi l'assistance, quelques mains se lèvent. Ce sont ici des témoins de Véolia et compagnie qui, face à l'avalanche de normes, d'obligations, de contrôles qui s'abattent à dessein, sur les épaules des maires, sont bienheureux d'être en partie débarrassés du fardeau eau et assainissement. D'autres, qui abondent aussi dans le sens du propos dominant, se réjouissent d'avoir transféré cette coûteuse prérogative pour récupérer un peu d'autonomie financière afin de pouvoir envisager d'autres projets. Le maire d'une toute petite commune estime que ses finances n'auraient jamais pu permettre la réfection totale de ses installations. Plusieurs communes ont profité de ce transfert de compétence pour réaliser des interconnections et s'affranchir des coupures d'eau en période d'étiage...
L'estrade jubile! Désinhibés par l'effet de foule, le micro passe de main en main, il va falloir conclure, encore une ou deux interventions...
Le maire d'une petite commune demande le bâton de parole pour pointer du doigt une faille qu'il aurait décelée: Les usagers récupérant l'eau de pluie, non seulement ne paient pas l'eau du Ciel, mais échappent à la redevancee d'assainissement. De leur côté, les usagers qui ne récupèrent pas les eaux météoriques, paient non seulement toute l'eau qu'ils utilisent ainsi que son épuration, mais ils prennent aussi en charge la non contribution des récupérateurs. Il faudrait trouver un moyen pour remédier à cette inégalité! Qu'il se rassure, c'est déjà prévu!
Dans ce concert à l'unisson, où la surenchère vire à la dinguerie (faire payer une redevance sur la pluie), un maire s'enhardit à signaler un détail étonnament oublié dans les interventions, mais qui a néanmoins son importance; le prix. Il s'est renseigné, tout le monde va prendre cher, voire très cher. Même s'il est prévu d'atténuer le choc, de lisser la hausse sur plusieurs années, les cabinets tablent au terme de la période de convergence des tarifs, sur des factures qui pourraient être mutipliées par 5 ou 6 comme à Belverne par exemple ! Les usagers vont déguster. Comment les gens vont faire pour payer? Faites le calcul pour voir !
La réponse de la tribune est à la fois ahurissante par son cynisme et par sa concordance avec ce que Debord, Guattari, Soljenitsyne entre autres avaient pressenti; les années d'hiver, la fin d'un monde.
- Le mépris: Il faudra se laver moins souvent, prendre moins de douches, moins longtemps,
- Le faux sans réplique: De toute façon, GIEC, réchauffement climatique et autres âneries obligent, il faut économiser l'eau, le prix est un bon levier,
- Sophisme ou paralogisme: L'eau se raréfie, ce qui est rare est cher, donc l'eau est chère.
- Le secret: les biens concentrés des possédants à l'abri de toute lumière, mais il faut être solidaire... rationnement pour le peuple
et enfin une leçon de stratégie politique ou plutôt le triste spectacle du déclin du courage...
- Pour les équipes municipales qui n'envisagent pas de solliciter un nouveau mandat, c'est maintenant qu'il faut s'engager pour faire passer cette décision forcément très impopulaire dont les successeurs n'auront ainsi, pas à asssumer la responsabilité.
- Pour ceux qui souhaitent briguer un nouveau mandat, c'est aussi maintenant qu'il faut s'engager; le calendrier leur permettra de faire campagne et d'être éventuellement réélus AVANT l'arrivée des factures!
Une ultime prise de parole est encore accordée à un adjoint d'une petite commune qui avait déjà récupéré le micro pour rebondir sur la question précédente... en substance.
Visiblement, la question des tarifs prudemment éludée jusque là, a été accueillie avec embarras. Bien qu'elle ne soit que la partie la plus perceptible de la machination en cours, elle est révélatrice du secret qui l'entoure. Elle a néanmoins poussé les maîtres de cérémonie à sortir de leur crédo, révélant les pensées qui les animent et la conscience qu'ils n'ont pas! L'interpellation évoque quatre points.
- Sous son apparence trompeuse, la démocratie spectaculaire: le mépris des citoyens, la tromperie des usagers, le secret bien gardé de la domination, la fusion étatico-économique; rien n'avait échappé à la critique de Guy Debord qui avait tout annoncé dès 1967 dans "La Société du Spectacle"
- Le déclin du courage, la lâcheté, la servilité érigés en principes, l’évolution de la société telle que l'avait analysée Alexandre SOLJENITSYNE dans son célèbre discours prononcé à l’université de Harvard, le 8 juin 1978.
- La collaboration, qu'elle soit inconsciente et bénévole ce qui est le cas le plus fréquent ou contre la rémunération qu'exigent les cyniques, est obtenue grâce aux médias qui leur appartiennent, par les puissances d'argent qui ont résolu depuis plus de 10 ans, de faire main basse sur l'eau, bien commun, commençant par en faire en faire un bien industriel et commercial via l'Organisation Mondiale du Commerce et... Wall-Street. Relire à ce sujet l'excellent article paru dans "Le Monde Diplomatique" du 8 mars 2013, intitulé "La soif de l'eau de Wall-Street".
- La spoliation de l'eau et des installations afférentes est aux communes aujourd'hui, ce que la confiscation des biens ecclésiastiques a été pour l'Eglise en 1789, un pillage, un vol en bande organisée. Le contexte présente d'ailleurs bien des similitudes, un état en faillite qui cherche à se recapitaliser, au pouvoir une gauche de bourgeois accapareurs et d'une cupidité sans borne, l'influence maléfique de sociétés secrètes...
Loin de tout ça, dans les petits villages en particulier, l'eau et les ouvrages d'art qui lui sont dévolus forment une part essentielle du patrimoine communal. À Belverne, par exemple, des sources aux fontaines ou aux compteurs installés bien au chaud dans les maisons, l’eau est encore un bien commun auquel contribue autant que de besoin le budget communal ; de nombreuses tâches et travaux sont effectués en régie ou bénévolement par les élus. Au même titre que l'affouage ou les journées "Nettoyons la nature", cette implication des uns et des autres crée des liens entre les gens, un attachement au village et à notre environnement. Les travaux importants sont réalisés par une entreprise locale sur laquelle on peut compter en toutes circonstances et dont l'eau est la spécialité depuis trois générations. Wall-Street a décidé que tout ça devait disparaître, au profit de multinationales et ce, d'autant plus facilement que le secret, car c'en est un puisque personne ne semble le connaître, est bien gardé.
Ces remarques ont été balayées d'un revers de manche, car suspectées de conservatisme, de manque de solidarité, d'égoïsme... Fermez le ban !
Clôture de la réunion.
En quittant la salle, un maire vient me féliciter pour mon intervention, plus loin, sur le parking un autre édile m’avoue qu’il partage mes remarques, et plus encore. Comment s’affranchir du régime autoritaire que nous subissons, la Ripoublique, un gouvernement qui fonde la politique de l’État sur la lâcheté et la servilité, intransigeant avec la France périphérique laborieuse et servile face aux forces menaçantes et aux agresseurs ?
Vidéo Youtube: SOLJENITSYNE : Le Déclin du Courage
Texte du discours prononcé par Alexandre SOLJENITSYNE à l’université de Harvard, le 8 juin 1978 (www.padreblog.fr 1)
Extrait du discours prononcé par Alexandre SOLJENITSYNE à l’université de Harvard,
le 8 juin 1978
(...)
"Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel, mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et, plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement hors d’état de rendre un seul coup. Alors que leur langue sèche et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ?"