Transfert des compétences eau et assainissement
à une ComCom.
Premiers retours d’expérience
Voici pour l’exemple, la première facture (qui nécessite 2 pages en réalité!) qu’a reçue une personne très économe habitant un petit village, adhérent d’une intercommunalité voisine. Au 1er janvier 2024, celle-ci s’est lancée avec empressement et sans beaucoup de scrupules pour les « petites gens », dans la mise en application de la loi scélérate ; alors que la texte ne l’imposait qu’à partir de 2026, elle a pris la double compétence eau ET assainissement. Dès la première facture, les usagers constatent que les simulations financières les plus pessimistes étaient simplement... réalistes.
Encore une fois, dans cet exemple, cet usager subit les conséquences d’un transfert complet eau ET assainissement, mais ce cas permet aussi d’évaluer rapidement le coût induit par le transfert de l’une ou l’autre seulement de ces compétences. Cet usager ne consomme qu’une trentaine de mètres cubes par an, chacun peut là encore faire la simulation adaptée à sa consommation personnelle.
Si cet usager habitait à Belverne, il paierait en tout et pour tout 81,70€ pour l’année entière (25€ d’abonnement +30x1€/m³ d’eau + 30x0,29€/m³ de redevance agence de l’eau + 18€ contrôle décennal d’assainissement).
- la première surprise pour le malheureux citoyen d’une ComCom « progressiste ! », c’est le montant à régler avant le 16 août : 230€ pour 14m3 consommés, ça fait 16€ du m³ (230/14=16€/m³), c’est ahurissant, confiscatoire, punitif ! Même pour ceux qui n’y arrivaient pas avant, il faut maintenant réussir à économiser plus de 200 balles en 6 mois pour ça. Le montant de cette première facture, représente 3 ans de consommation à Belverne, mais ce n’est pas tout…
- la deuxième surprise : cette note salée, « ce n’est que » la facture du premier semestre, soit la moitié de ce qu’il faudra cracher !
Alors que nous ne manquons pas d’eau, et que quel que soit le prix que nous puissions la payer à l’avenir à Belverne, si le transfert avait lieu, ceux qui en manquent n’en auront pas davantage, par contre certains de nos concitoyens devront s’en priver sévèrement et, malgré tous leurs efforts, rogner sur d’autres budgets (lesquels ?) pour payer la rançon sur la flotte. Dans l’exemple ci-dessus, les usagers les plus économes, de ce petit village ne pourront pas s’en tirer à moins de 460 € par an pour 30m3 consommés ; une belle saignée, dans un contexte de pillage fiscal éhonté.
Attention, il convient à ce stade de préciser que, pour un belvernois, et là le conditionnel s’impose, la situation serait peut-être moins catastrophique en raison du fait que, le zonage d’assainissement ayant classé tout le village en assainissement individuel, nous pourrions peut-être conserver cette compétence, ce qui nous épargnerait la contribution relative à l’assainissement ; soit 110€ d’économie par semestre ramenant la note annuelle à 460-220=240€/an pour 30 m³ , ça nous mettrait l’eau à 8€ par m³ (240/30=8€/m³), 8€/m³, quand même !
Comment cela a-t-il été rendu possible ? Examinons la facture !
« C’est le spectacle d’une bourgeoisie dévorante, menant la curée parmi les ruines. » (Zola, Rome,1896, p. 262).
Le cas de cette communauté de communes qui a devancé l’appel pour prendre la compétence eau et assainissement, est un vrai cas d’école ; elle l’a aussitôt déléguée à une multinationale (Véolia), ce qui est le but, sinon des législateurs, au moins de ceux qui les manipulent. Désormais, en raison du transfert de sa compétence eau et assainissement à une grande collectivité, chaque petit village de moins de 500 habitants a perdu ses privilèges. Par conséquent, la facture d’eau est assujettie à la TVA, quelques taxes supplémentaires sont levées et TOUT est à la charge des usagers, ni la ComCom ni les communes ne peuvent abonder le budget de l’eau, c’est la loi.
La nouvelle facture d’eau fait apparaître pas moins de 8 lignes et même 12 lignes avec l’assainissement. On se paie sur la bête et chacun prend sa part ! Pour la distribution de l’eau, il y a l’abonnement (la part du distributeur), l’abonnement encore (la part communautaire), la consommation (la part du distributeur), la consommation encore (la part communautaire), l’agence de l’eau (préservation des ressources), l’agence de l’eau encore (lutte contre la pollution), l’agence de l’eau encore et encore (modernisation des réseaux) et le budget de l’état (la TVA)
À Belverne par contre, la compétence eau est gérée en régie (par le maire, les employées communales et des membres bénévoles du conseil municipal). En cas de besoin, nous avons recours à des entreprises spécialisées pour les travaux et les interventions. La facture fait apparaître 3 lignes, abonnement/location du compteur, consommation en m³ et taxe de l’agence de l’eau. Toutes les maisons étant en assainissement dit « non collectif » (individuel), la réglementation n’impose qu’un diagnostic tous les 10 ans (180€) à la charge des habitants, soit 18€ par an. Pour tenir compte des spécificités des petites communes, le législateur nous accorde quelques privilèges (Privilèges au sens de l’Ancien Régime, non pas individuels mais accordés à des peuples. Par exemple, le traité de 1532, qui scellait le rattachement de la Bretagne à la France confirmait à la province un certain nombre de privilèges et de libertés, dont le plus important, était l’impossibilité d’imposer aux Bretons une levée financière sans leur approbation). En cas de transfert, nous perdrions l’exonération de la TVA, et l’autorisation de fondre le budget de l’eau dans le budget communal. Cette souplesse nous permet par exemple de ne pas répercuter intégralement les dépenses liées à l’eau sur la facture des usagers trop peu nombreux pour supporter les investissements énormes que demande ce service. Ça se passe de la même façon pour les autres prérogatives de la commune (école, voirie, bâtiments,…), celle-ci prend les travaux d’investissement intégralement en charge sur ses fonds propres (ventes de bois), et tout ou partie des frais de fonctionnement (intégralement pour l’école, la voirie... et partiellement pour l’eau, dont les usagers ne paient qu’une part proportionnelle à leur consommation).
Alors que chacun peut désormais constater les effets désastreux du transfert partiel ou total des compétences eau et assainissement, que l’échéance fatidique de janvier 2026 approche et semblait inéluctable, le Sénat vient de jeter un énorme pavé dans la mare. (à suivre)