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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 19:22

Loi travail ; comprendre, s'insurger

et ne pas se tromper de cible.

Un peu d'histoire

En 1906, à Courrières dans le Pas de Calais, un coup de grisou emprisonne des centaines de mineurs au fond d'une mine de charbon. Profitant de l'état de subordination dans lequel leur contrat de travail place les salariés et estimant que les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise l'exigeaient, le patron ordonne dès le 3ème jour et contre la volonté des gueules noires, l’arrêt des opérations de sauvetage et la reprise du travail.

Malgré l'abandon prématuré des recherches,  13 miraculés sortiront vingt jours plus tard du puits par leurs propres moyens ; combien d'autres auraient-ils pu être secourus ? On relèvera 1099 victimes.

Sous le choc de cette catastrophe, et surtout sous la pression de 60 000 grévistes, c'est d'abord en regroupant les textes existants que la codification du droit du travail sera entreprise pour aboutir en 1910 à la création du sixième code de nos institutions, afin que les droits humains ne soient plus subordonnés aux seules exigences du marché, de la rentabilité, de la compétitivité, du profit. La limitation de la durée du travail des femmes et des enfants, l'instauration du repos dominical figurent parmi les premières mesures... Progressivement, ce code s'est étoffé mais il faudra plus d'un siècle de luttes pour y inclure la journée de 8 heures, les congés payés, le droit de grève, la semaine de 35 heures...

 

Un siècle plus tard

 En 2016, après des années d'attaques insidieuses, à commencer par la remise en cause du repos dominical, le gouvernement a décidé avec la loi travail, de balayer ces 110 ans de progrès des lois de la République, acquis au prix du sang, des larmes grâce aux luttes de générations de travailleurs.

 

Le point sur le projet début juin

« des limitations peuvent être apportées aux libertés et droits fondamentaux de la personne si elles sont justifiées par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise ». c'est ce qu'on peut lire dès le premier article du préambule de la loi travail ; on sait à quoi s'en tenir. ...retour à la mine au XIXème siècle.

Une multitude de lignes absconses, de suppressions pernicieuses presque indétectables témoignent déjà par la forme, de la perfidie des auteurs du nouveau texte et sur le fond, des régressions auxquelles ils exposent les salariés. Exemple : La « durée légale » du temps de travail reste fixée à 35 heures Art L3121-31. Cette durée légale qui ne constitue pas un plafond détermine le seuil de déclenchement des heures supplémentaires dont la majoration actuelle est reprise par les dispositions supplétives de l'Art L3121-35 : 25% pour les 8 premières heures, et 50% ensuite. Apparemment rien ne change mais quelques lignes plus loin, on découvre que ce qui précède peut être contourné. Les articles L3121-19 et L3121-20 qui plafonnent la durée maxi hebdomadaire entre 48 et 60 heures laissent aux accords locaux le soin d'en préciser à la fois les limites et avec l'Art L3121-32, la compensation qui pourra être ramenée à 10% en cas de dépassement... ça laisse de la place à la négociation collective une entourloupe pareille !

 

« donner plus de poids à la négociation collective » Nous-y sommes, le désormais fameux article 2 ou le titre du projet de loi lui-même ne font pas mystère que c'est bien là, LE point essentiel de la loi El Khomri ; celui qui constitue la rupture majeure avec les principes de base du code du travail celui qui renverse la hiérarchie des normes. Explication : Le lien juridique qu'établit un contrat de travail entre un salarié et son employeur est juridiquement un lien de subordination, c'est à dire de soumission, de dépendance. Le code du travail pose des limites à la soumission et à la dépendance du subordonné. Afin de garantir l'efficacité de ce code, le législateur a voulu que la Loi, celle qui protège les travailleurs comme n'importe quelle autre loi, prévale sur tous les autres accords qu'ils soient de branche ou d'entreprise et que les accords de branche prévalent sur les accords d'entreprise ; c'est ce qu'on appelle la hiérarchie des normes, une disposition locale ne peut déroger aux règles supérieures que si elle est plus favorable aux salariés ; c'est le principe de faveur.

Pour ne pas s'écarter du véritable objectif qui consiste à désactiver, à rendre inopérante toute la protection établie (renversement de la hiérarchie des normes et suppression du principe de faveur), c'est avec cynisme et grâce à la duplicité des médias complaisants (neuf milliardaires ou fonds d'investissements possèdent la quasi totalité de la presse), que le débat est porté sur quelques articles « chiffon rouge » au sujet desquels on feint de négocier afin de détourner l'attention des citoyens du véritable but à atteindre : sous couvert de négociation, fut-elle collective, il s'agit d'individualiser le contrat de travail, de faire en sorte que chaque contrat soit particulier, négociable entreprise par entreprise.

 

Le transfert des protections, du champ de la loi au champ de la négociation collective, s'accompagne d'une éviction programmée des syndicats majoritaires par l'introduction du référendum dans l'entreprise. Aujourd'hui, un accord est valable s'il est signé par des syndicats pesant au moins 30%, mais des organisations syndicales représentant plus de 50% peuvent faire jouer leur droit d'opposition. Avec le nouveau système, des syndicats à 30% pourront court-circuiter les autres représentants du personnel, en organisant un référendum pour faire valider un accord directement par les salariés, malgré l'opposition des syndicats majoritaires. Il est évidemment plus facile de tromper des salariés profanes, que des délégués syndicaux formés et rompus à la traque des fourberies que recèlent immanquablement les textes rédigés par et au bénéfice exclusif des puissants.

 

Mais aussi dépouillé soit-il, l'existence même d'un code du travail reste un gravier dans la chaussure du grand patronat. Encouragés par la passivité du peuple qui assiste à son propre dépeçage sans trop broncher, les affidés du MEDEF se sont enhardis. Dans la 4ème version du projet de loi, juste avant son adoption forcée au 49.3 en mai, a été introduit un article visant, ni plus ni moins, à légaliser l'ubérisation des travailleurs. C'est l'article 27bis qui les définit ainsi : « travailleurs utilisant une plate-forme de mise en relation par voie électronique » et il est précisé que l’art. L.7411-1 du code du travail ne leur est pas applicable (c’est l’article qui dit que le code du travail est applicable). Pour les chauffeurs de VTC Uber, et peut-être bientôt pour beaucoup d'autres, pas d'horaires légaux ou maximaux, ni salaire minimum, ni droit du travail, ni cotisation sociale, ni médecine du travail, ni représentant du personnel... Avec ce changement de statut, le contrat de travail est remplacé par un contrat commercial, fini le temps des salariés, voici venir le temps des travailleurs dits indépendants, c'est à dire les moins protégés, les plus précaires, les plus soumis au chacun pour soi et à la concurrence de tous contre tous.

 

Comme elle en a pris l'habitude, c'est par un quatrième viol du pouvoir législatif en un an, que l'engeance au pouvoir a fait enregistrer la loi travail. Malgré le recours au 49.3, et malgré les réticences à voter la loi qu'ils avaient exprimées, les députés socialistes dans leur écrasante majorité, n'ont pas jugé qu'il vaille de s'opposer à ce texte antisocial et ont refusé au mois de mai de censurer le gouvernement. Ce n'est pas la première fois que des parlementaires socialistes trahissent les idéaux pour la défense desquels ils se sont fait élire ; comme en témoignait Vincent Auriol à l'issue du vote des pleins pouvoirs à Pétain en 1939, vote auquel seuls 36 parlementaires socialistes s'étaient opposés :

« Voici Léon Blum. Quelques rares et fidèles amis autour de lui. Où sont les 175 parlementaires socialistes ? Quelques-uns sans doute n'ont pu venir... mais les autres ? [...] Sur 150 députés et 17 sénateurs socialistes nous ne sommes que trente-six fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès ». Léon Blum dira « J'avais bien eu raison de me juger désormais comme un étranger, comme un suspect au sein de mon propre parti ».

Le 11 mai 2016, sur 285 députés du parti qui se prétend encore socialiste, il ne s'est plus trouvé que vingt-huit députés « fidèles à la glorieuse et pure mémoire de Vaillant, de Guesde, de Jaurès » pour s'opposer à cette nouvelle loi régressive que ce gouvernement dégoûtant et honni veut infliger aux salariés. Le soutien de 10 députés écologistes sur 17 et de 10 députés sur 10 du Front de Gauche n'aura permis d'obtenir que 56 signatures sur les 58 nécessaires pour proposer une motion de censure.

La direction du Parti Solférinien corrompue par le poison libéral menace maintenant de punir les socialistes qui défendent des principes socialistes. Les frondeurs, ces hommes et ces femmes fidèles aux valeurs de la gauche, peuvent, ainsi que Léon Blum, « se juger désormais comme des étrangers, comme des suspects au sein de leur propre parti », pourtant ils méritent le soutien de tous les travailleurs. Au contraire, la pression doit être mise sur les députés qui ayant cédé au chantage à l'investiture en première lecture, comprennent qu'ils sont grillés s'ils persistent dans leur erreur et pour les enjoindre à ne pas voter cette loi lorsqu'elle reviendra en deuxième lecture ou à voter la censure.

La mobilisation qui ne faiblit pas depuis trois mois exaspère le grand capital ; l'emploi par P. Gattaz le président du MEDEF, du mot "terroristes" au sujet des travailleurs opposés à la loi travail, est révélateur de cet énervement et n'honore pas la classe dirigeante car c'est ainsi que l'occupant et le gouvernement de collaboration qualifiaient les Résistants. Désormais, si la lutte ne réussit pas à faire reculer le gouvernement, cette coterie de 40 collaborateurs du capitalisme (voir à ce sujet, « le choix de la défaite » d'Annie Lacroix-Riz) qui bloque le pays aujourd'hui va durablement pourrir la vie de millions de travailleurs. Chaque salarié peut imaginer, chantage à l'emploi aidant, quelles conditions de travail, quelle protection, quel niveau de rémunération, quelles restrictions pourra imposer le MEDEF afin que les droits humains ne soient plus subordonnés, comme en 1906, qu'aux seules exigences du marché, de la rentabilité, de la compétitivité, du profit...

 

Les citoyens qui ont conscience de la gravité de cette régression qui n'a connu de précédent que sous le régime de Vichy et avec les mêmes appuis, sont debout, sur les places, dans la rue, fidèles à l'article 35 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 : lorsque le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits le plus indispensable des devoirs.

Les ʺ1%ʺ qui violent les droits du peuple ne sont pas prêts à se contenter de leurs privilèges actuels, bien au contraire, la ploutocratie est en pleine offensive, et elle est brutale ; crânes brisés ou yeux crevés... Qu'il s'agisse de manifestants qui dénoncent les provocations policières ou de policiers qui dénoncent par la voix de trois de leurs syndicats les techniques (gazage, bastonnades, kettling...) volontairement agressives que le pouvoir n'a aucun scrupule à employer, au cours des mobilisations pour défendre les acquis de plus d'un siècle de luttes sociales, c'est toujours du côté des 99%, qu'on déplore les victimes, il ne faut pas se tromper de cible. 

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