La réunion d’information du 5 décembre 2011, était consacrée à l’assainissement. Elle s'est déroulée en présence d'un représentant de la DDT (*), invité par M. le Maire qui présidait la séance, entouré de six élus au Conseil municipal.
La réglementation a imposé aux communes de se doter d’un zonage d’assainissement avant fin 2006. A Belverne, cette opération initiée en 2005 a été confiée à un cabinet d’études spécialisé. L’élaboration de la carte communale conduite en parallèle a motivé la réalisation complémentaire d'un schéma directeur d’assainissement, pour faciliter quelques opérations immobilières et satisfaire les velléités de développement revendiquées par certains élus.
L’étude détaillée qui a été menée (résultats communiqués parcelle par parcelle), justifications techniques à l’appui (contraintes de surface, pédologie,…), a finalement abouti à un schéma simpliste prévoyant, à une seule exception près, le recours à un assainissement collectif total.
Le caractère diffus des rejets et l’impact minime qui a été mesuré dans le ruisseau au cours de l’étude (on peut lire le résultat des analyses en page 12 du dossier d’enquête publique : “...en plein étiage estival, la note est encore correcte pour un ruisseau de plaine...”), ont conduit à classer notre village en niveau de “priorité 3” ; c'est-à-dire au niveau le moins prioritaire ! Des années plus tard, rien ne s'est concrétisé. La politique d’austérité dont sont aussi victimes les collectivités se traduit par une diminution drastique des subventions ; par conséquent, aucune aide financière ne sera accordée à notre commune.
Dans ces conditions, le prix exorbitant de la solution préconisée est devenu tout à fait irréaliste. Le coût évalué à l’époque (subventions externes déduites) aurait porté le prix du m3 à 5,09€. Selon les dernières estimations, la conjonction de la suppression des aides et de l’actualisation du montant des travaux conduirait à une augmentation considérable des tarifs qui dépasseraient aujourd’hui une dizaine d’Euros du mètre cube. La commune ne peut évidemment ni prendre à sa charge une telle dépense, ni envisager de la répercuter intégralement sur les usagers.
La réunion qui est relatée ici, a été organisée. pour tenter de débloquer cette situation. Rapidement, même si les injonctions n’ont pas toujours été aussi directes, le ton était donné par le représentant de l’Etat ;
- Le collectif est trop cher, alors...-> passez à l’individuel.
- Certes, le cabinet d’études a relevé des difficultés techniques excluant certains secteurs de toute possibilité raisonnable d’assainissement individuel; alors évidemment si le conseil tient compte de ces avis motivés et maintient ces secteurs en assainissement collectif, les problèmes afférents incombent à la collectivité mais… si vous ne tenez pas compte de ce qui a été prescrit (la loi n’y oblige pas) et que le plan de zonage passe arbitrairement en assainissement individuel, la responsabilité de la mise aux normes relèvera alors exclusivement des usagers, ça ne regardera plus la commune, alors... -> passez à l’individuel.
- Réglementairement, les élus peuvent se contenter de prendre une décision “politique” de privatisation du service dictée par la seule logique financière. Sachant que l’Etat ne mettra pas un sou dans l’affaire, la solution libérale actuellement en vogue, est celle qui semble la plus économique pour la collectivité ; on pourrait de façon triviale l’énoncer ainsi : « que chacun se démerde ! ».
Les deux heures de discussions qui ont suivi ont été consacrées à mettre en évidence l’ineptie de ce pseudo raisonnement par l’absurde dont la DDT semble devoir assurer la promotion.
Le message est simple, passez le plan de zonage en assainissement tout individuel, « C’est facile, il suffit d’une décision : on peut vous envoyer les modèles de délibération… une enquête publique et c’est terminé, la commune est débarrassée de cet épineux problème ».
Après, ce sera à chaque foyer de se débrouiller avec l’aide éventuelle du SPANC ; car « des solutions, il y en a toujours », affirme notre interlocuteur. S’il manque de place l’usager peut pomper les effluents pour les acheminer et les traiter là où il dispose d’un terrain, sinon il peut envoyer ses rejets chez un voisin, avec son accord quand même. Si plusieurs foyers sont dans la même situation, ils peuvent se grouper en association pour traiter leurs eaux sales, à défaut il est toujours possible de “faire” dans une caisse (toilettes sèches) ou de stocker ses excrétas dans une citerne (bien) étanche qu’il suffit de faire vider chaque fois qu’elle est pleine (la version moderne et XXL du pot de chambre en quelque sorte)… et s’il n’y a pas de problème particulier, avec un délai de 4 ans pour se mettre aux normes, les conseilleurs à qui visiblement l’argent ne manque pas, font mine de ne pas imaginer la difficulté voire l’impossibilité pour de nombreux foyers d’investir ou d’emprunter et surtout de rembourser 7 000€ même à taux zéro ?
On le constate, lorsqu’il n’est plus collectif, l’assainissement devenu strictement individuel se transforme en un assainissement à tout prix, voire à n’importe quel prix. Réglementairement, même plus besoin d’étude ; c’est “No limit”, ni techniques, ni financières.
Dans ces conditions,
- Comment ne pas céder à un manichéisme benêt qui remplacerait sans discernement un intégrisme, le tout collectif, par un autre, le tout individuel ?
- Comment faire en sorte que chacun et particulièrement les personnes dont les ressources sont modestes puissent se mettre aux normes sans que cela leur coûte un bras ?
- Comment faire en sorte que le désengagement de la commune, même s’il est permis, voire encouragé par les textes, ne soit pas automatique ?
- Comment éviter l’iniquité de traitement qui consiste à ne proposer que de l’assainissement individuel non subventionné aux citoyens ruraux (à Belverne par exemple) alors que les citoyens urbains peuvent compter sur la solidarité nationale pour résoudre leur problème d’assainissement collectif ?
Au cours de cette soirée, on aura pu voir des pistes judicieuses se dessiner ;
Par rapport à la dépense colossale qu’aurait engendré la construction d’un réseau collectif intégral (autour de 2 millions d'Euros), une participation communale en investissement, pour la mise aux normes de chaque foyer, serait paradoxalement une solution économique et constituerait pour notre commune une manière exemplaire d'exercer sa mission de service public. Si compte tenu des économies d'échelle attendues, on peut espérer rester dans une enveloppe de l’ordre de 5 000€ par maison (cela représente de 70% à 100% du coût moyen estimé en individuel), la commune règlerait le problème pour environ 250 000 Euros soit 8 fois moins cher qu'avec le collectif.
- Techniquement, là où l'assainissement individuel est inadapté, les dispositifs appelés “individuel regroupé” peuvent constituer une alternative d'autant plus facilement adaptable qu’on en confie la maîtrise à la compétence publique (on utilise une grosse station de type individuel dimensionnée pour traiter collectivement les effluents de plusieurs foyers).
- Réglementairement, la participation communale peut constituer une aide à l'équipement des citoyens qui deviennent propriétaires des installations dont ils ont l'obligation d'assurer l'entretien (gestion privée) ou alors la commune peut rester propriétaire de l'ensemble des dispositifs (de la même manière qu'elle est propriétaire des tuyaux qui passent sur des terrains privés). Dans ce cas, c'est elle qui assure la maintenance (gestion publique), financée par une redevance. Comme pour l’eau, la collectivité peut supporter l’investissement ou le répercuter totalement ou partiellement sur les usagers.
Avant de délibérer, et même si on a bien compris que, légalement, il n’était pas nécessaire de réfléchir pour décider, l’initiative a été prise de constituer un groupe de travail pour reprendre les résultats de l’étude de zonage afin d’envisager des solutions efficaces et financièrement acceptables pour chacun.
Ces propositions même si elles ne font pas immédiatement l’unanimité, posent des bases pour de futures discussions et révèlent les carences résultant de l’absence d’un véritable service public en charge de la maîtrise de l’assainissement.
(*) DDT signifie Direction Départementale des Territoires ; c’est le nom malicieusement donné à l’administration en charge (entre autres) des problèmes… environnementaux ! Est-ce l'atteinte à l'environnement ou sa défense qu'on a voulu symboliser dans cet acronyme?
Initialement, le DichloroDiphénylTrichloroéthane, est un POISON TRES REMANENT plus communément nommé DDT, c'était une spécialité de l’ENTREPRISE MONSANTO.
Par la suite, dans les années 1970, ce pesticide cancérigène aujourd'hui interdit, contribua à l'apparition des mouvements écologiques.
(;-) une anagramme s'est glissée dans cette note.