Il s’agissait d’apporter une réponse à la question de savoir s’il est du ressort de la commune de faire viabiliser à ses frais, les parcelles d’un lotissement privé qui ont été vendues, sans que les réseaux aient été réalisés par le cédant. Le principe même de vouloir faire supporter cette charge par la collectivité avait été contesté par quelques élus lors de la précédente réunion du Conseil (le 1er décembre 2009).
Ce soir, à la demande d’extension du réseau électrique (9 930€) est venue s’ajouter l’extension du réseau d’eau (5 984€). Malheureusement, dès le départ, la question a été dénaturée et s’est transformée en “Qui est-ce qui s’oppose à ce qu’on paye ces travaux à untel, de toute façon c’est une obligation ?” Tous les acteurs de l’histoire se connaissant et se retrouvant autour de la table, toute décision défavorable aux intéressés risquait d’être perçue comme un mauvais coup, l’expression d’une jalousie… et dans l’autre sens qu’une décision favorable soit la manifestation d’un copinage dont la commune n’aurait pas à faire les frais. Un complément d’information s’imposait donc absolument pour écarter cette part de subjectivité. |
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Cette viabilisation relevait-elle d’une obligation réglementaire comme cela avait été avancé ou ne s’agissait-il que d’une faveur qui, si elle était accordée au premier lotisseur, ne pourrait pas décemment être refusée aux suivants avec les conséquences financières qu’on imagine sur un budget de plus en plus étriqué. Depuis le 1er décembre, personne n’est venu éclairer le conseil dont on peut se demander à cet instant sur quoi il va devoir fonder sa décision, mais visiblement celle-ci a déjà bien mûri car devis et délibérations sont prêts. M. le Maire s’est d’ailleurs personnellement déplacé pour négocier sur le devis initial, une réduction qu’il a obtenue, faisant réaliser une possible économie substantielle à la commune. A cet instant, il n’aurait pas été honnête de dissimuler aux membres du conseil les quelques éléments objectifs recueillis à la suite de minutieuses recherches et qui n’invitaient guère à donner un avis favorable.
Renseignements pris, nous savons maintenant
- 1 Qu’il s’agit bien d’un lotissement tel qu’il est défini dans le Code de l’urbanisme :
Article R*315-1 Constitue un lotissement au sens du présent chapitre toute division d'une propriété foncière en vue de l'implantation de bâtiments qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet de porter à plus de deux le nombre de terrains issus de ladite propriété.
- 2 Que la Municipalité ne peut pas ignorer ce classement puisque régulièrement, en application de l’article L.442-1 et R.421-23 du code de l’urbanisme tout détachement de terrain à bâtir doit être précédé d’une déclaration préalable de lotissement.
- 3 Qu’en raison de ses caractéristiques, un lotissement est soumis soit à Déclaration Préalable (DP) soit à Permis d’Aménager (PA). En application de l’article R 421-23-a du code de l’urbanisme, doivent être précédés d’une déclaration préalable (DP) les lotissements autres que ceux mentionnés au a de l’article R. 421-19. Celui dont il est question parait relever du régime de la Déclaration Préalable (DP).
- 4 Qu’en raison de la procédure de lotissement, de nombreuses obligations incombent au cédant (Obligation d’un bornage contradictoire puisqu’on cède un lot de lotissement, possibilité de se voir imposer des travaux de viabilité dès la première vente, renforcement du réseau de distribution d’eau, du réseau d’électricité), même si dans le cas d’une procédure avec Déclaration Préalable, les exigences PEUVENT être réduites. A la différence d’un lotissement avec PA qui impose que toutes les prescriptions soient réalisées avant la cession, aucun article du code de l’urbanisme n’encadre la vente d’un lot issu d’un lotissement soumis à déclaration préalable. Il est donc possible d’effectuer la vente d’un lot à tout moment y compris avant qu’il soit viabilisé si l’acquéreur l’accepte (urbanisme.gouv.fr).
- 5 Que cette absence d’obligation réglementaire est compensée par une disposition permettant aux communes de préciser les droits et devoirs de chacun et de protéger les acquéreurs futurs. L'article L111-4 créé par Ordonnance n°2005-1527 du 8 décembre 2005, entré en vigueur le 1er octobre 2007 : "Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés.”
- 6 Que l'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci, la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage. Article L332-15 Modifié par la LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 117
Ce que ces textes semblent indiquer (mais on peut se tromper, quand on n’est pas un spécialiste de l’urbanisme, l’expertise d’un professionnel ne serait pas superflue !), c’est que concernant ce terrain, la commune qui a déjà lourdement investi en 2008 pour le rendre constructible s’est acquittée de ses obligations (ici) et n’est soumise à aucune sujétion supplémentaire. Il faut bien noter aussi que réglementairement, rien ne semble s’opposer non plus à ce qu’elle prenne ces opérations à sa charge.
Encore eût-il fallu les consulter ces textes car il n’a pas été possible de réfléchir au-delà du deuxième point énoncé ci-dessus. Les tenants d’un financement communal n’ont pas voulu démordre de leur parti pris, et c’est cet entêtement qui était épique. Niant l’évidence (points 1 et 2), la majorité du conseil s’est montrée inflexible, se prétendant confortée dans sa position par une réponse orale émise par les services de l’urbanisme de la Haute Saône, à une demande de M. le Maire. Mais on peut s’interroger sur la valeur des réponses données par un technicien même issu du plus pointu des services si le requérant omet par exemple de lui préciser (et pour cause, puisque tout le monde feint encore de l’ignorer) que la question concerne un lotissement et non trois projets individuels. Les autres prescriptions, qu’elles émanent du CGCT, du code de l’urbanisme, du ministère de l’urbanisme sont balayées, raillées, ignorées, contestées… au point que l’un des conseillers exaspéré quitte vivement la salle.
Pour la majorité,
- « Ce n’est pas un lotissement. » Au terme de deux heures de discussions, malgré la citation de l’Article R*315-1, c’est toujours comme si ce texte n’existait pas, ce n’est pas un lotissement !
- « Et même si c’était un lotissement, on n’est pas au courant ; pour nous, il s’agit de 3 terrains distincts. » Pourtant, le cédant (le vendeur ou donateur) doit déposer en mairie une déclaration préalable dès le premier détachement d’un terrain à bâtir d’une propriété comme le stipulent les articles L.442-1 et R.421-23. Ces articles n’existent pas non plus ?
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre ; il n’aura pas été possible de dessiller mes collègues qui n’estiment toujours pas avoir besoin de l’expertise d’une personne extérieure !
…il est bientôt 23 heures, il a été décidé que ce serait la commune qui payerait alors on passe au vote !
Qui s’oppose ? Personne.
Qui s’abstient ? Une abstention.
Qui est pour ? Tous les autres présents.
Après tout, peut-être était-ce effectivement LA meilleure décision qui a été prise, mais on n’en sait rien ! C’est en cela que cette délibération est un monument, c’est le fait qu’un engagement de cette importance puisse avoir été pris sans que personne ne puisse ni justifier son choix par une loi, un texte quelconque ou à défaut une motivation particulière, ni même être en mesure de répondre aux questions que son acte soulève (S’agit-il d’une faveur, d’un droit, comment les finances communales vont-elles supporter cette charge (environ 10 000€ subvention déduite) sachant qu’en 2009, il a déjà fallu puiser 20 000 € dans la cagnotte, car les 35 000€ de ventes de bois étaient insuffisants pour boucler le budget, comment le conseil pourra-t-il assumer l’équité par rapport à d’éventuelles futures demandes de raccordement s’il crée un tel précédent, cela ne retardera-t-il pas la prise en considération de certains besoins signalés par des contribuables de longue date au centre du village, réseaux aériens, écoulements… ?).