Rythmes Peillon, réunion du 20 décembre 2013
avec M. le D.A.S.E.N. de la Haute-Saône.
Le contexte
Plusieurs informations importantes sont tombées depuis la réunion du 2 décembre à Clairegoutte.
Le 3 décembre, les résultats de l'étude PISA 2013 ont été publiés. PISA est une sorte d'agence de notation scolaire, qui réalise tous les 3 ans, une enquête sur les "performances" des systèmes éducatifs des pays de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques regroupant 34 pays ayant en commun une économie de marché). En raison de l'orientation très libérale de cette organisation qui recommandait la privatisation de l'école dès 1990, les résultats de l'étude doivent être examinés avec les précautions qui s'imposent. De nombreux médias se contentent d'exploiter les données recueillies pour faire le procès de l'école. Pour ceux-là, la baisse des résultats des élèves par exemple est imputable à un manque de travail résultant du passage à la semaine de 4 jours. Lorsque l’analyse est plus technique, c’est plutôt la suppression de plus de 80 000 postes dans l'Education Nationale qui semble effectivement être la plus préjudiciable aux élèves. De nombreuses autres observations concernant ce qui marche bien ou mal ici ou là, peuvent s'avérer pertinentes et utiles à la réflexion.
Le rapport 2013 constate en France, une aggravation à l'école, du déterminisme social ; en clair, les enfants issus des milieux modestes ont de plus en plus de difficultés à s'en sortir et sont ceux qui sont le plus victimes de l'échec scolaire. Ce phénomène qu'amplifie le creusement des inégalités sociales dans notre pays, n'arrive pas à être endigué par l'école, au contraire. Ainsi, dans l’enquête PISA, la France, 5ème puissance économique mondiale, est en lice pour le triste titre de championne des inégalités.
Le 5 décembre, l'Assemblée Nationale devait se prononcer sur la proposition de loi visant à donner aux maires le libre choix du temps scolaire dans les écoles maternelles et primaires publiques, et prévoyant aussi le principe d'une compensation par l'État des charges supplémentaires induites en cas de modification des rythmes scolaires. Sans même prendre la peine de faire semblant d’en discuter, c'est en déposant et en adoptant dans la foulée, une motion de rejet préalable du texte, signant un déni de démocratie qui ne les honore guère, que les députés appartenant au groupe du parti de Solferino ont rejeté la proposition de loi. La possibilité de choisir l’organisation du temps scolaire reste un privilège de l’école privée pourtant sous contrat avec l’Etat.
A la mi-décembre, l'Assemblée Nationale a adopté le projet de Loi de Finance Rectificative pour 2013 ainsi que le mode de calcul de la répartition de la baisse des dotations du bloc communal de la DGF (Dotation Globale de Fonctionnement). Ce sont 1,5 milliards d'euros que les communes ne toucheront pas.
Ces communiqués indiquent que toutes les menaces qui motivent depuis un an l'opposition de la CCRC au projet Peillon sont avérées. Il est plutôt encourageant de constater que les citoyens ne se sont pas trompés, pourtant....
La réunion
« Il est plus facile d’avoir tort avec tout le monde que d’avoir raison tout seul »
Ce 20 décembre 2013, les élus, maires ou délégués chargés des affaires scolaires et périscolaires dans leurs communes respectives ont été conviés à rencontrer M. Le Directeur Académique des Services de l'Education Nationale (DASEN) de Haute-Saône, secondé par Mme l'Inspectrice de Lure. La présentation de la situation par M. Le Président de la CCRC a suscité des échanges intéressants. Intéressants pour un observateur qui tel un entomologiste penché sur une fourmilière, cherche à analyser et comprendre le fonctionnement d'une société, mais, l’observation de cette scène n’a pas permis d’avancer sur le problème posé.
Comme chez les insectes sociaux, des individus spécialisés occupant chacun une place parfaitement déterminée dans l'organisation sociale du groupe, ont exercé les prérogatives que l'ordre établi leur confère. Les fonctionnaires obéissent, les représentants représentent ; quoique, comme aurait dit Devos! L'initiative citoyenne réunissant élus et parents, consistant à élaborer, diffuser, dépouiller ensemble un questionnaire, a été reprochée aux édiles municipaux alors qu’il s’agissait de connaître la position que les familles souhaitaient voir défendue par leurs représentants justement, et précisément en ce qui concerne les rythmes Peillon! Ce n’est pas une révélation, mais chacun a sa réponse à la question de savoir de qui les élus sont les représentants ; d’eux-mêmes, de leurs concitoyens ou des ploutocrates qui accaparent le pouvoir...
Il n'est pas utile de revenir ici de façon exhaustive sur les raisons ou le bien fondé de l'action des élus. Avec courtoisie, M. Le Directeur Académique a laissé chacun s'exprimer tout en restant parfaitement étanche aux arguments qu'il entendait. Face au malaise que sa posture suscitait dans l’auditoire, il a, en substance et à plusieurs reprises, rappelé qu'en raison de son statut de fonctionnaire, il n'avait pour mission que de faire appliquer les lois, sans états d'âme. C’est donc avec ce professionnalisme dont il peut à juste titre se prévaloir, que notre interlocuteur a su tour à tour se montrer :
- fin stratège, tentant d'ouvrir des brèches dans notre coalition en cherchant une solution pour telle ou telle commune,
- comptable expert : 3x40(24+36)x4=3x4x3/4=3x3h=0€ ça se lit comme ça : 3 ATSEM surveillent 40 enfants de 24 à 36 mois pendant ¾ d’heure péri éducative sur 4 jours, ça ne vous coûte rien ! Les ATSEM devront-elles travailler bénévolement ces trois heures de plus ?
- ironique et sévère à l'idée par exemple que les maires puissent fermer physiquement les écoles le mercredi matin dès la prochaine rentrée,
- bienveillant en nous offrant son aide pour trouver des solutions (mais pas de financement),
- cynique en nous enjoignant de ne pas tant nous soucier des conséquences fiscales futures des mesures qu'il est chargé de nous faire mettre en œuvre maintenant,
- indifférent plutôt qu’accommodant, en trouvant que même si les activités péri éducatives susceptibles d’être organisées n’ont rien à voir en richesse et en variété, avec ce qui se pratique dans les villes voisines, ce sera malgré tout très bien, puisque le législateur n’exige rien en ce domaine,
- offensif et performatif en brandissant la menace à peine voilée des lendemains qui déchantent lorsque la belle unanimité de l'instant présent volera en éclats au moment où il faudra dans l'urgence et de gré ou de force, se soumettre...
A l'issue de ce long entretien, nécessaire mais infructueux, les élus, toujours pas vaincus par la lassitude, la fatalité ou la résignation, estiment qu’il s’agit maintenant d’approcher les décideurs. Le ministre ne viendra pas, mais les parlementaires locaux (sénateurs, députés) qui, réglementairement au moins, disposent de leur libre arbitre puisque ce ne sont pas des fonctionnaires, seraient dans leur rôle en acceptant une invitation de la Com Com Rahin et Chérimont. Il s’agit pour eux de rencontrer et d’entendre la communauté éducative afin de faire remonter les doléances à Paris et d’exiger la mise en place de vraies solutions par le gouvernement auquel ils apportent leur soutien absolu (mais peut-être pas inconditionnel) dans les deux assemblées.
Même si la voie choisie n’est pas la plus facile, la mobilisation contre le projet Peillon continue ; venez nombreux à la manif du samedi 25 janvier 2014 à Vesoul.