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Développer l'expertise citoyenne. Permettre aux habitants d'un petit village de prendre part à la gestion de leur commune. Services publics, chantiers, urbanisme, budget..., chacun peut s'informer, réfléchir, se forger une opinion sur les sujets dont débat le conseil municipal au niveau local et aussi plus globalement comprendre les grands enjeux du Monde en pleines tribulations...

Rythmes scolaires Peillon-Hamon; mensonges et vérité.

Rythmes scolaires Peillon-Hamon ; toujours la promotion

du même modèle de société archaïque et détestable.

 

Cet article de Laurent Paillard, prof de philo, politologue a été publié en mai 2013 dans « La vie est à nous ! », un journal aujourd’hui disparu dont la manchette proclamait « Vouloir comprendre, c’est déjà désobéir ».

 

« Nous allons réformer l'Éducation Nationale »

Indice: Il faut que tout change afin que rien ne change.

 

Chaque nouveau gouvernement s'installe au pouvoir par une réforme de l'Éducation Nationale. Cela permet de maquiller une baisse des moyens ou de faire croire que l'on peut faire plus avec pas grand-chose. Il ne s'agit en rien de changer le réel, à savoir la façon dont l'école fonctionne, mais de faire semblant. Les réformes successives de l'Éducation Nationale ne sont pas destinées à améliorer les conditions d'apprentissage, ce sont des actes de communication qui, s'adressant à l'opinion, cherchent un effet politique en dehors de l'école. Ces réformes sont donc des mensonges politiques, en d'autres termes, des sophismes en acte et en parole. Malheureusement, elles ont aussi des effets dans l'école. Elles désorganisent en permanence les équipes enseignantes qui passent leur temps à s'adapter à des gadgets pédagogiques au lieu de se focaliser sur leurs élèves.

 

Ainsi, entre les réformes des programmes propres à sa discipline celles des rythmes scolaires, l'introduction de sous matières exotiques, etc., un professeur exerçant depuis vingt ans aura connu une quinzaine de réformes et contre-réformes sans aucune formation, ni moyens spécifiques, ni suivi, ni évaluation, défaisant ce qui avait été fait deux ans plus tôt. Il s'ensuit alors une seconde conséquence au moins aussi grave: la haine de la pédagogie produite par son instrumentalisation à des fins politiciennes qui conduit à jeter le bébé avec l'eau du bain. Enfin, le tout conduit à une résignation du corps enseignant face à ce qu'il est convenu d'appeler « l'échec scolaire ».

En résumé, c'est à n'y rien comprendre: nous sommes face à des politiques qui ont pour effet, sinon pour objectif, d'aggraver la situation ! Pourtant, si l'on adopte l'hypothèse selon laquelle l'expression « échec scolaire » est un euphémisme désignant les inégalités sociales alors tout s'éclaire. En effet, les « réformes de l'Éducation Nationale » servent à masquer le renoncement à lutter contre les inégalités réelles. Comme si une société de concurrence - euphémisme pour désigner la compétition de tous contre tous - était juste à partir du moment où les individus sont égaux face aux inégalités. On se demande : « Comment rendre les inégalités légitimes ?» afin de ne pas se demander: « Comment construire une société moins inégalitaire » ? Le but de l'idéologie de « l'égalité des chances » est de faire croire que l'inégalité des conditions est juste dans la mesure où les individus seraient responsables d'être dominés. Mais quelqu'un peut-il m'expliquer en quoi est-il plus juste que ce soit le fils du prolétaire plutôt que celui de l'instituteur, du médecin ou du cadre dirigeant qui tienne le fouet si de toute façon il y a un fouet ? C'est cette absence de questionnement sur l'inégalité des conditions et son corollaire, la domination, qui nourrit tous les faux clivages politiques, du PS au FN en passant par I'UMP. Pendant que les premiers affirment que les plus diplômés méritent d'avoir plus, les seconds vocifèrent que ce sont les plus blancs. Alors, les derniers blingblinguent que ce sont les plus riches. Mais personne ne voit que celui qui domine dans les faits est celui qui cumule les trois propriétés et que tous promeuvent finalement le même modèle de société archaïque et détestable. Après avoir dévoyé la pédagogie, ce sont donc les travaux de Bourdieu sur l'école que l'on assassine ainsi en s'arrêtant au milieu de l'analyse. Mais une société inégalitaire ne peut que générer une institution destinée à justifier les inégalités donc générant de l'échec scolaire. Ce n'est donc pas d'une réforme dont l'école a besoin, mais d'une révolution destinée à former les citoyens à désirer un monde coopératif. Il s'agit alors de lutter contre la compétition scolaire comme moyen de socialisation en vue d’une société animée par la guerre de tous contre tous pour les bonnes places. Mais c'est impossible sans commencer par un programme de réduction des inégalités réelles : renoncer à une école qui légitime les inégalités, c'est renoncer à une société qui a besoin d'inégalités.

 

Il ne faut donc pas dire. « Réformons l'Éducation Nationale », mais « Faisons croire que le changement c'est maintenant ».

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